Page:Laurent - La Poésie décadente devant la science psychiatrique, 1897.djvu/86

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

table génie d’un coup d’aile que rien n’abat ; ce sont des génies intermittents, incomplets.

Quand le délire est sur le point d’éclore, on dirait que l’énergie cérébrale du dégénéré est doublée ou triplée ; il devient actif, entreprenant ; sa parole devient facile et abondante ; son esprit s’ouvre à toutes choses ; ses idées s’élargissent ; en un mot toutes ses facultés s’exaltent et s’avivent.

Au début de son délire, cette suractivité cérébrale persiste. Il n’est pas rare alors de voir des hommes presque sans instruction parler avec une certaine éloquence et écrire des pages pleines de couleur et de poésie. Ce sont des espèces de décharges nerveuses.

C’est ce que l’on appelait autrefois l’inspiration, une sorte de mouvement de l’âme qui transporte le poète hors de lui-même, qui semble le faire obéir à une puissance supérieure qui l’enlève et le subjugue tout entier. Aussi les anciens disaient que c’était un dieu qui s’emparait de l’âme du poète, et qui lui communiquait ses pensées et ses expressions les plus sublimes :

Est deus in nobis : agitante calescimus illo.

Un nommé Boileau Despréaux, une sorte de précurseur du père Sarcey, a également décrit en vers de mirliton ce phénomène qu’il n’a vraisemblablement jamais éprouvé lui-même :