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On en arrive ainsi à parler pour ne rien dire, comme M. V. Remouchamps dans les strophes suivantes :

Tous les cieux sont venus hanter mes yeux de rêve,
Les cieux où luit l’azur infirme du Réel :
Les cieux se sont éteints devant mes yeux de rêve …

Tous les yeux sont venus hanter mes yeux de rêve.
Les yeux où luit la joie infirme du Réel :
Et les yeux ont saigné devant mes yeux de rêve …

Ce sont des mots bizarrement assemblés et rythmés, voilà tout.

Un retrouve à toutes les époques de décadence la même recherche des rythmes heurtés et bizarres, des chûtes imprévues, des baroques assonances. Pentadius confectionnait des vers que ses contemporains appelaient vers serpentins et qu’ils comparaient à un serpent qui se mord la queue. En voici un échantillon :

Sentio, fugit hiems, zéphyrisque moventibus orbem
Jam tepet Eurus aquis ; sentio, fugit hiems.
Parturit omnis ager, prœsentit terra calorem,
Germinibusque novis parturit omnis ager.
Lœta vireta tument, foliis sese induit arbor,
Vallibus apricis lœta vireta tument.

Voici un jeu poétique du même genre que j’emprunte à M. A. Sabatier :

Dans la plaine aux frissons roux
Pauvre nous !