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déclare cyniquement qu’après boire il ne distingue plus le jeune esclave de la jeune servante et, à la fin de sa vie, il ciselait des odes pour Ligurinus. Anacréon chante en vers précieux et maniérés l’amour et la sensualité : « Que je sois ta tunique, ô jeune fille, afin que tu me portes ; que je sois une eau pure, afin de laver ton corps ; une essence, pour te parfumer ; une écharpe, pour ton sein ; un collier de perles, pour ton cou ; une sandale, pour que tu me foules de ton pied. » Puis, devenu vieux, il veut lui aussi goûter aux amours pervers. « Peins mon Bathyllos bien aimé, dit-il, tel que je vais le décrire. Fais-lui des cheveux brillants, noirs par le haut, dorés par le bas. Noue-les négligemment et qu’ils flottent en liberté. Couronne un beau front de sourcils d’ébène. Que son œil soit noir et fier, mêlé de douceur, comme celui d’Ares et celui de Kythèrè, et qu’il tienne en suspens entre la crainte et l’espérance. Que sa joue ait le duvet léger des pommes. Qu’il ait la poitrine et les mains de Hermès, la cuisse de Polydeukès et le ventre de Dyonisos. Au-dessus de sa cuisse, là où brûlent des feux, je veux que tu peignes une puberté naissante qui invite Eros. »

Pour Verlaine comme pour Anacréon la magie du style ne saurait faire oublier de pareilles aberrations. Derrière le poète on sent trop le malade.

Du reste, toute la génération poétique actuelle semble plus ou moins entachée d’érotisme. M.