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gneux d’Horace se refusait à écrire, l’ami de Mécène, à son tour, en prononçait que n’avaient point entendu les vieux Cethegus, et de la paille du fumier d’Ennius naissaient les fleurs de Virgile. C’est là une loi qui préside au développement et à la transformation de tous les idiomes.

Mais il y a, pour l’introduction des mots nouveaux dans une langue, une juste mesure à observer. On ne peut les accueillir que s’ils sont vraiment indispensables et correspondent à une idée non exprimée ou mal exprimée jusque-là.

En pareille matière, l’écrivain le plus autorisé, l’auteur le plus divin, comme dirait Boileau, est obligé d’attendre le jugement de la foule et de se soumettre aux caprices de l’usage. S’il hasarde une expression neuve, s’il tente de remettre en honneur une expression inusitée, il ne peut promettre fortune au nouveau-né qu’avec les plus humbles restrictions,

si volet usus
Quem pene est arbitrium et jus et norma loquendi.

Cette tendance de la poétique décadente à s’empouler de verbes ronflants, de mots nouveaux, se fait sentir dans presque toutes les écoles.

Voici un extrait de la poésie de M. E. Michelet : Le Héros, que je considère comme un pur chef-d’œuvre. Déjà cette tendance se fait jour.