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oripeaux de pourpre, ils cuisinent des hachis de mots. Verba et verba.

Et puis les mots courants ne leur suffisent pas. Ils en forgent de nouveaux, en exhument de vieux de l’oubli. Comme si notre langue n’était pas assez belle et assez riche pour l’expression de nos pensées !

Je sais bien que les langues varient ; Horace l’a dit, il y a fort longtemps. Les mots étant le vêtement des idées, ils doivent forcément changer au fur et à mesure que celles-ci se métamorphosent. Les mots naissent, vivent et meurent comme nous. Leur fortune est pareille à la nôtre. Ils ont leur jeunesse et leur virilité, leur âge mûr et leur décrépitude. Quand l’heure est venue, ils disparaissent de l’idiome dont ils faisaient partie, comme les feuilles mortes se détachent des arbres aux approches de l’hiver,

Ut sylvæ foliis pronos mutantur in annos,
Prima cadunt, ita verborum vêtus interit ætas.

Mais les langues s’en iraient ainsi feuille à feuille, si la même puissance qui détruit certains mots et les efface du vocabulaire, n’en relevait et n’en faisait d’autres pour remplacer les premiers et suffire aux exigences du langage :

Et juvenum ritu florent modo nata vigentque.

Si Plaute usait de termes que le stylet dédai-