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Comme vous voyez, c’est très clair. Aussi maintenant voici empruntée, aux Vers de couleur de M. Noël Laumo, une symphonie florale des plus symboliques :

Orchis ineffeuillé, hyacinthe purulente,
Gamme jaune sur le vert, d’orange diézé,
Squelette de fakir par Djaggernauth baisé,
Ophis perlant dans l’ombre une trille hululante,
Cyclamen querelleur nimbé d’un rêve clair,
Recueillement poudré du pic et de l’éclair,
Ciel morent aigrette d’une estompe de mauve,
Remembrances d’un cœur qui sait l’idéal jaune !

Certes, j’en connais des gens qui voient tout en jaune, et je souhaite que l’auteur, malgré la couleur de son idéal, ne voie pas de cette façon. Cela dit, je gagerais que, malgré les explications précédentes, vous n’y ayez rien compris. Eh bien ! ni moi non plus.

Du reste, cette théorie des mots colorés n’est pas précisément neuve et nullement de l’invention des poètes décadents. Il y a longtemps que les neuropathologistes ont signalé l’audition colorée, symptôme relativement fréquent d’affections cérébrales ou auriculaires graves.[1]

  1. M. d’Abendo, de Catane, vient précisément d’ouvrir une enquête sur l’audition colorée (Revista clinica et terapeutica, Octobre 1896). Il rap-