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Les chimères de joie érigeant leur frontal
Tordaient pour un Thésée au casque de cristal
Leurs griffes d’émeraude aux pieds d’une Ariane.

L’aliéné, en proie au délire, est assailli par une multitude d’idées qui se heurtent et se confondent dans son cerveau, sans suite et sans liaison ; quand il veut les exprimer par le verbe ou par des signes, ce n’est plus qu’incohérence. On ne le comprend pas.

Il commence à exprimer une idée, immédiatement une autre accourt et lui fait oublier la première dont il laisse l’expression inachevée pour poursuivre l’expression de la seconde, qu’à son tour il abandonne pour une troisième. C’est le désordre et la confusion des idées. Le cerveau ne sait plus discerner, faire son choix. Et cette confusion se retrouve dans les manifestations extérieures de l’idée : paroles et écrits.

En vérité, est-ce qu’il n’y a pas quelque chose de cela dans les poésies des dégénérés, et particulièrement dans les poésies des décadents ? Ce sont de véritables manifestations délirantes, aussi confuses et aussi étranges que celles des aliénés les plus caractérisés.

Il arrive en effet un moment où les idées et les images se heurtent avec une telle incohérence, se succèdent avec une telle rapidité dans le cerveau malade, que leur expression devient incohérente comme elles et absolument inintelligible.