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brusquement, dans le même instant, dans le même sonnet, d’un extrême à l’autre. Son œuvre constitue malgré tout un ensemble harmonieux où l’on sent toujours vibrer la même âme, mais variable seulement selon les impressions qu’elle reflète.

Chez les décadents, il y a excessivité dans les contrastes. On dirait que le poète se dédouble ou au moins se métamorphose et qu’il vit une autre vie, avec des impressions, des sentiments tout différents.

Je ne saurais choisir un meilleur exemple que le volume — remarquable toutefois, — de Paul Verlaine : Parallèlement.

Le poète exalte d’abord le sentiment religieux, il se plonge dans un mysticisme très délicat et très vague ; un peu plus loin, il fait appel à un sensualisme qui touche au sadisme ou mieux à la folie. Il célèbre les amours anormales, perverses, les embarquements pour Sodome ou Lesbos ; il chante la gloire monstrueuse de Sapho et des « femmes damnées ». Homo duplex !

Le même poète qui hier se noyait dans les blandices d’un vague et mystique amour, le dévot qui exaltait l’esprit, venge demain la chair rebelle ; il magnifie les vices, ou mieux ses vices, leur adresse des hymnes orgueilleux. « Hier, dit un de ses admirateurs, M. Bunant, il édifia Sagesse, un superbe cantique de foi et d’amour en Dieu, d’aspirations mystiques, planant à pleines ailes blan-