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Ceci posé, un des premiers caractères d’un esprit taré, c’est l’inégalité. Nous sommes tous plus ou moins inégaux, selon nos moments et selon notre état d’excitabilité et aussi d’activité cérébrales. Tous nous avons des hauts et des bas. Cela tient au moins autant au milieu qui nous entoure qu’à notre tempérament. Une foule de causes intérieures agissent sur notre activité cérébrale, les unes la surexcitant, les autres la diminuant. Pourtant, nous ne descendons pas au-dessous d’un certain degré et nous ne pouvons, par contre, dépasser certains sommets.

Les déséquilibrés vont, au contraire, d’une extrémité à l’autre, presque du génie à l’imbécillité. Leur esprit procède en quelque sorte par chutes et par soubresauts. Aujourd’hui, c’est un aigle au vol audacieux ; il regarde en face le soleil ; il plane. Demain, c’est, dans une chute brusque, le retour au plat terre à terre ; l’aigle n’est plus qu’un oiseau aveugle et sans ailes ; il rase la plaine ; son vol est sans grâce.

Tel est le poète dégénéré, ou décadent, si vous préférez.

Et pour mieux me faire comprendre, je choisis un exemple : Stéphane Mallarmé, un des princes de la cohorte.

Il chante les fleurs, et il débute sur un mode magnifique. Il dit :

Le glaïeul fauve, avec les cygnes au col fin,