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tent de l’aile. Et bientôt ils désespèrent de trouver ce à quoi ils aspirent, « cette fleur bleue au cœur d’or qui s’épanouit tout emperlée de rosée dans le ciel du printemps, au souffle parfumé des molles rêveries. »

Alors naît le dégoût, une vague désespérance, et, dans la génération suivante, plus étiolée, et plus proche de la dégénérescence finale qui guette toutes les races, la décadence s’affirme de plus en plus. La poésie devient névrosée, maladive, malade de l’adorable maladie de l’art, si vous voulez, mais malade.

Aux esprits malades, il faut une nourriture épicée, pimentée, cantharidée, médicamentée. Le vin ne chatouille plus le gosier de l’ivrogne ; il lui faut de l’eau-de-vie ou de l’absinthe. Et les peuples qui vont s’éteindre sont des ivrognes en poésie.

Le poète ne chante plus la vie, la grâce, la beauté. Comment le pourrait-il, puisqu’il est lui-même à l’agonie ? Il chante le vice qui le ronge, la maladie qui le meurtrit ; il chante la mort et la putréfaction. Il aime l’odeur des charognes sanguinolentes, la vue des ventres livides et suant les poisons. Il n’aime plus la blonde et pure jeune fille qui peuplait les rêves de ses mâles ancêtres ; il aime les drôlesses, et leurs vices, et leurs grâces canailles, et leurs caresses meurtrières. Pourtant cette poésie a encore ses beautés : la beauté de la mort, les grâces de la maladie. Ophé-