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débiles et des faibles d’esprit. Mais chez les uns comme chez les autres, on retrouve, à certaines heures au moins, les signes incontestables, les stigmates indélébiles de la déséquilibration cérébrale. J’ai cru faire cette preuve en rapprochant leurs poésies de celles des aliénés et des dégénérés.

Certes je n’ai point voulu dire que tous les poètes que j’ai englobés sous l’appellation générale et mal déterminée de décadents soient des fous ou des imbéciles. S’il y a parmi eux des détraqués inférieurs, des débiles prétentieux invinciblement voués à l’impuissance et à l’incohérence, il y a aussi d’incomparables artistes, d’inimitables ciseleurs de mètres, maîtres vraiment en l’art d’assembler et de faire se baiser au bout des vers des rimes sonores et harmonieuses, de faire rire ou pleurer les mots, d’évoquer en quelques verbes cadencés tout un monde d’images sombres ou colorées, riantes ou tragiques, de faire surgir au milieu du tumulte des métaphores le flot des idées. Mais si on examine de plus près ces mêmes poètes chez qui l’inspiration et le génie