Page:Laurent - La Poésie décadente devant la science psychiatrique, 1897.djvu/122

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il me semble également inutile de rappeler que l’alcool atteint l’homme dans ses fonctions les plus nobles et les plus élevées. En même temps que la faiblesse et la débilité des fonctions physiques, il amène une insuffisance croissante des facultés morales. Il détruit les facultés éthiques et esthétiques. Lisez le passage suivant de R. von Krafft-Ebing et vous y retrouverez le portrait de plus d’un décadent alcoolique. J’ai des noms sur le bout des lèvres. « L’individu qui s’adonne à la boisson a des idées relatives sur tout ce qui concerne l’honneur, les mœurs, les convenances ; il est indifférent aux conflits moraux, à la ruine de sa famille, au mépris de ses concitoyens ; il devient un égoïste et un cynique (inhumanitas ebriosa). Une irritabilité d’humeur croissante et une véritable disposition à la colère violente, vont de pair avec les phénomènes moraux. Les moindres causes provoquent des émotions de rage qui, étant donné la faiblesse éthique très avancée, sont indomptables et revêtent le caractère d’émotions pathologiques (ferocitas ebriosa) ».

Cette appétence morbide pour les poisons qu’on observe chez les dégénérés, n’existe pas seulement pour l’alcool ; elle se manifeste aussi pour tous les autres poisons qui amènent une euphorie : chloral, ether, cocaïne et surtout morphine. C’est parmi eux que se recrutent presque tous les morphiniques passionnels, les ivrognes de la morphine, ceux qui y sont venus par simple dérèglement