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il vole du vin pour satisfaire son goût prononcé pour l’alcool. Selon la coutume des filous, il vit aux dépens d’une ribaude qui, une nuit d’hiver, le jette à la porte. C’est cette femme que, dans son petit testament, il fait héritière de son cœur. Il s’unit ensuite à une bande de détrousseurs et commet des vols à main armée, principalement sur la route de Rueil, si bien qu’enfin, arrêté pour la seconde fois, il a grande peine à éviter la corde.

Tout le monde connaît sa Ballade de la grosse Margot. Je ne sais s’il faut y voir une forfanterie de poète ou l’expression de la vérité, — cette dernière hypothèse me paraissant la plus vraisemblable. Dans tous les cas, elle montre que les mœurs des souteneurs et des marmites de ce temps-là ne différaient guère de celles de ce temps-ci.

Quoi qu’il en soit, voici cette pièce remarquable par la chaleur de l’inspiration et le haut relief du coloris.

Si j’ayme et sers la belle de bon haict,
M’en devez-vous tenir à vil ne sot ?
Elle a en soy des biens à fin souhaict.
Pour son amour ceings bouclier et passot.
Quand viennent gens, je cours et happe un pot
Au vin m’en voys, sans démener grand bruyt.
Je leur tendz eau, fromage, pain et fruict,
S’ils payent bien, je leur dy que bien stat :
Retournez-cy, quand vous serez en ruyt,
En ce bourdel où tenons nostre estat.