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Que leur vie et leur mort s’éteignent dans l’oubli !
Que ton nom dans la nuit demeure enseveli !

Virgile pleure sous les ombrages de Mantoue et Ovide boit le lait d’une jument sarmate sur les bords du Pont-Euxin. Dante exilé pleure Florence et l’Arno empourpré par les rayons du soir. Corneille a eu une vieillesse remplie d’amertume, et Racine a souvent pleuré en secret. Un peu plus tard, Gilbert meurt dans l’indigence :

Au banquet de la vie, infortuné convive,
J’apparus un jour, et je meurs ;
Je meurs, et sur ma tombe, où lentement j’arrive,
Nul ne viendra verser des pleurs.

Millevoye meurt à l’aurore de la vie.

Le poëte chantait ; de sa lampe fidèle
S’éteignaient par degrés les rayons pâlissants ;
Et lui, prêt à mourir comme elle,
Exhalait ces tristes accents :
« La fleur de ma vie est fanée ;
Il fut rapide, mon destin !
De mon orageuse journée
Le soir toucha presqu’au matin. »

Assurément, plus d’une de ces infortunes fut réelle et imméritée. Souvent, le poète est une âme tendre qui vit un peu au-dessus de la terre : il ne sait pas bien discerner le réel de l’irréel ; il manque de sens pratique, comme disent les bourgeois. Aussi, dans le strugle for