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Et les arbres coupés dans les bois de Carthage,
Sont tout rameux encor chargés sur l’équipage.
La troupe des troyens sort des murs à longs flots ;
Vous les eussiez vu tous, leur paquet sur le dos,
S’empresser à l’envi sur les rives d’Afrique :
Telle on voit des fourmis la sage république
présager les hivers, et dans son magasin
Voiturer la moisson faite en un champ voisin,
Par les prés, par les bois le noir troupeau chemine,
Et porte au creux d’un tronc son orge ou sa farine.
Les savoyards du peuple ont le grain sur le dos,
Les autres plus huppés dirigent les travaux,
Et des lourds porte-faix hâtent la marche lente :
De l’ardeur du travail tout le sentier fermente.

Quels soupirs, ô Didon ! quels sentimens secrets
S’échappaient de ton cœur en voyant ces apprêts,
Quand du haut de ta tour découvrant le rivage,
Tu le voyais frémir d’une rumeur sauvage,
Quand les cris des troyens sur le port assemblés
Venaient d’un triste effroi, frapper tes sens troublés,