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Pendant deux jours et deux nuits, les chrétiens cherchèrent en vain l’occasion de confier à la terre les restes abandonnés du missionnaire ; le passage continuel des troupes et l’affluence des curieux les en empêchèrent. Enfin, dans la nuit du 31 juillet au 1er août, réussissant à tromper toute surveillance, ils creusèrent tant bien que mal dans le sable, et non loin de la rive, une fosse où ils déposèrent en toute hâte les dépouilles vénérées de leur père, qu’ils enveloppèrent d’une simple natte.

Le Père Baudounet, resté à Tjyen-Tjyou, ayant appris le meurtre de son confrère, adressa le 4 août au gouverneur de Kong-Tjyou le télégramme suivant :


« Le Père Jozeau a été tué sur le bord du fleuve : pour quelle raison ? Qu’est devenu son cadavre ?

« Baudonnet, missionnaire français. »


Le gouverneur envoya des satellites pour procéder à l’enterrement du missionnaire ; ceux-ci, trouvant la chose faite, se contentèrent d’enterrer le domestique.

Le gouverneur répondit, le 5, par cette étrange dépêche :


« On dit que quand les soldats chinois ont passé le fleuve, ils ont exécuté un Japonais, et que son corps a été enterré par les soins d’un mandarin local.

« Gouverneur de Kong-Tjyou. »


« C’est là un mensonge administratif dont Coréens et Chinois sont coutumiers, dit Mgr Mutel. Personne d’ailleurs n’a pu se méprendre et ne s’est mépris sur la nationalité et la qualité du Père Jozeau. Le bruit de sa mort se répandit dans tout le pays comme une traînée de poudre, et les chrétiens même très éloignés en ont su la première nouvelle par la rumeur publique.

« Sans parler de la perte inappréciable pour nous d’un missionnaire tel que le Père Jozeau, je puis dire que sa mort a été pour la Mission le plus grand de tous les malheurs. Les Tong-hak, qui jusque-là n’avaient osé porter la main sur les missionnaires, se mirent à les poursuivre comme des bêtes fauves recherchant une proie. Pour éviter de tomber sous leurs coups, les deux