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main au village désigné, et demandèrent à le visiter, sous prétexte qu’on y cachait un chef de voleurs.

Le prêtre fut bientôt découvert, et, comme on le traitait de brigand, il se déclara Européen, demanda aux satellites s’ils avaient ordre de s’emparer de sa personne ; et, sur leur réponse négative, il leur enjoignit d’aller prendre les instructions du gouverneur de la province.

Deux d’entre eux se mirent en route, tandis que les autres gardaient le Père Liouville. Pendant les trois jours qui s’écoulèrent avant le retour des premiers, le missionnaire administra les sacrements à tous les habitants du village. Les satellites assistèrent à la sainte messe et gardèrent une attitude respectueuse. Les païens des environs vinrent par milliers voir l’Européen.

Cependant il n’y eut ni trouble ni manifestation hostile. Les satellites empêchaient la foule de pénétrer dans l’appartement du prêtre pendant que celui-ci entendait les confessions.

Enfin les satellites envoyés près du gouverneur arrivèrent. Tous ensemble vinrent saluer leur prisonnier, lui faisant leurs adieux et lui manifestant même le désir d’embrasser le christianisme ; puis ils se retirèrent tranquillement. Le gouverneur leur avait intimé l’ordre de laisser en liberté l’Européen.

Le régent lui-même, ancien ennemi acharné des catholiques, était-il pris de remords ? On eût pu le croire ; car il fit offrir par les bonzes des sacrifices aux âmes des chrétiens mis à mort depuis 1866, « afin, dit-on, de consoler ainsi ces pauvres âmes du regret qu’elles ont dû éprouver de quitter la vie. » Seuls les lettrés s’agitaient et déclamaient contre les étrangers.

Pour leur imposer silence sans doute et leur donner quelque satisfaction, le roi publia un édit outrageant la religion du Maître du ciel, mais en même temps il donnait au préfet de police ordre de laisser les chrétiens en repos.

On ne pouvait attendre beaucoup plus d’un roi païen, que deux partis opposés essayaient d’attirer à eux.

Le parti du progrès et de la civilisation finit par l’emporter.

Le 2 avril (1882), l’ambassade coréenne qui tous les ans porte à Pékin le tribut revenait à Séoul par la voie de mer, et s’em-