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monde, il ne leur échappait jamais aucune injure, ni une mauvaise parole. Dès le matin, ils commençaient leur journée par la prière ; ils priaient et méditaient pendant le jour, et le soir, quelquefois pendant la nuit, ils faisaient encore de longues prières. On prie bien en prison. »

Le 5 juin, anniversaire du sacre de Mgr Ridel, le chef du poste se présenta dans la prison,

« Prenez votre grand habit, dit-il à l’évêque, et suivez-moi. »

Mgr Ridel obéit. Le soldat le conduisit dans un coin éloigné, et lui donna de l’eau pour se laver.

« Le soleil paraissait, a écrit le captif ; je caressais quelques brins d’herbe qui poussaient là ; il y avait si longtemps que je n’en avais vu ! Je contemplai le ciel ; je pus même voir des montagnes dans le lointain. Tout me paraissait nouveau, tout me paraissait beau. »

Le cœur bat plus vite et les yeux se mouillent de larmes en lisant ces quelques lignes.

On signifie ensuite à l’évêque qu’il allait être reconduit à la frontière chinoise.

Que s’était-il donc passé ? et quelle était la cause de la clémence des Coréens à l’égard de Mgr Ridel ?

Le ministre de France à Pékin avait prié le gouvernement chinois de demander à la cour de Séoul la délivrance de l’évêque missionnaire. On était loin des jours où, après la mort de Mgr Berneux, le régent faisait à la Chine cette orgueilleuse réponse :

« Ce n’est pas la première fois que des Français sont tués en Corée, et jamais leurs compatriotes n’ont réclamé ; du reste, personne n’a rien à voir dans les affaires de notre pays. »

De son côté, le gouvernement japonais, sollicité par Mgr Osouf, aujourd’hui archevêque de Tokio, de faire une démarche analogue, saisit l’occasion de prouver aux nations européennes qu’il comprenait enfin la tolérance religieuse, et invita les Coréens à relaxer l’évêque. Ces démarches avaient abouti.

Mais si le prisonnier obtint la liberté, ce ne fut cependant que la liberté de l’exil. Il fut conduit de bourgade en bourgade jus-