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avoir tué quelques Coréens et mis les autres en fuite ; puis, ne jugeant pas prudent de pousser plus loin l’expédition, ils revinrent à bord et demeurèrent en observation.

Le soir, une partie de l’armée coréenne défila au fond de la plaine ; mais quelques obus lancés à propos vinrent, à leur grande surprise, éclater près de leurs rangs. Étonnés et effrayés par l’effet de ces engins inconnus, ils rompirent bientôt leurs rangs et s’enfuirent sur le sommet des montagnes. Ils se montrèrent ensuite à plusieurs reprises dans une gorge éloignée de deux mille mètres ; mais le feu des canonnières les obligeait à se retirer. La nuit, ils allaient allumer des feux de bivouac en différents endroits de la plaine, et, le jour, ils y plaçaient des mannequins habillés, afin de nous faire dépenser de la poudre et des boulets. Souvent on entendait le bruit de leurs canons ; sans doute ils s’exerçaient au tir dans leur camp, derrière les montagnes. On nous dit qu’ils avaient fabriqué des canons sur le modèle de ceux qu’ils avaient pris à bord de la goélette américaine brûlée par eux avec l’équipage quelques mois auparavant, sur la côte de Pieng-an. Les canonnières étaient postées en différents endroits, pour empêcher la circulation des barques et tenir le blocus de la rivière de la capitale ; un certain nombre de jonques furent brûlées, mais de petits canots trouvèrent moyen de passer pendant la nuit.

« Un jour, raconte M. Ridel, un chrétien vint me dire que, la veille, trois cents Coréens chasseurs de tigres et habiles tireurs venaient de passer dans l’île, et que, la nuit suivante, il en passerait encore cinq cents qui iraient rejoindre les autres et s’enfermer dans la pagode de Trieun-tong-sa, dans l’île même de Kang-hoa, à trois ou quatre lieues au sud de la ville.

« Je me hâtai d’en prévenir l’amiral. Ce jour-là même, une baleinière qui faisait de l’hydrographie avait été attaquée tout auprès de l’endroit où s’effectuait le passage. L’amiral résolut de faire attaquer cette pagode, et détacha à cet effet cent soixante hommes. Sur son ordre j’accompagnai l’expédition, tant pour guider la marche que pour servir d’interprète.

« Nous partîmes à six heures du matin.