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n’était même pas chinoise, me répond de la manière la plus gracieuse ; puis sur son ordre on met le drapeau.

« J’attendais avec anxiété : c’était le drapeau de la France ! Trois fois il s’élève et s’abaisse pour nous saluer. Impossible de vous décrire ce qui se passa dans mon cœur. Pauvre missionnaire ! Depuis six ans je n’avais pas vu de compatriotes ! Et en ce moment, perdu au milieu des mers, sans connaître la route, j’aurais voulu rejoindre ce bâtiment ; mais ses voiles, enflées par un vent favorable, l’avaient déjà emporté à une grande distance. C’était, du reste, pour nous une grande consolation. Tous mes matelots, qui n’avaient jamais vu de navires européens, étaient dans l’admiration.

« — Père, est-ce que ce sont des chrétiens ? Si ce navire venait chez nous, tout le monde s’enfuirait ; il prendrait notre pays et forcerait le roi à donner la liberté de la religion. »

« Bientôt je reconnus la côte : c’était le port de Wei-haï, d’où j’étais parti six ans auparavant. Nous étions sur les côtes du Chang-tong, dans la direction de Tche-fou, où je voulais aller. Nous arrivions par conséquent en droite ligne, aussi bien que l’eût fait le meilleur navire avec tous ses instruments nautiques. Que la sainte Vierge est un bon pilote ! Il ne nous restait que quelques lieues, mais le vent contraire ne nous permit pas d’aborder ce jour-là.

« Le 7 juillet au matin nous vîmes le port, et à midi nous jetions l’ancre au milieu des navires européens. Aussitôt nous fûmes environnés de Chinois, curieux de voir les Coréens, qu’ils reconnurent aussitôt. Je descendis et fus immédiatement entouré dune foule de Chinois, qui me faisaient cortège et regardaient avec curiosité mon étrange costume.

« Les nouvelles que j’apportais firent grande sensation parmi les membres de la colonie européenne. Je me rendis sans retard à Tien-tsin, où je rencontrai le contre-amiral Roze, qui commandait la croisière française sur les côtes de Chine. Il me fit un accueil bienveillant et me promit son assistance. »