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cutés solennellement, tantôt étranglés clandestinement dans leurs prisons.

Privés du soutien des missionnaires, assistant sans espoir de délivrance à la ruine de leur Église, d’aucuns cherchèrent dans l’apostasie extérieure une protection qui souvent leur échappa ; car la haine de leurs bourreaux semblait plus jalouse d’exterminer les croyants que de les ramener au culte national.

Le sabre des exécuteurs, la corde des étrangleurs n’allant plus assez vite au gré des mandarins, on imagina une espèce de guillotine en bois qui, en laissant retomber une longue poutre sur le cou des condamnées liés ensemble, faisait périr vingt ou vingt-cinq personnes à la fois. Ailleurs on alla jusqu’à enterrer les prisonniers vivants dans de larges fosses ; la terre et les pierres qu’on jetait sur leurs corps leur donnaient en même temps la mort et la sépulture.

Au mois de juin, M. Féron, devenu par rang d’ancienneté supérieur de la mission, envoya M. Ridel en Chine, et le chargea de faire connaître les désastres de la Corée, et de travailler à y porter remède, en avertissant les autorités françaises. Le missionnaire obéit, bravant les dangers de terre et de mer, que lui-même nous a racontés.

« Nous fîmes préparer une barque, écrit-il, ce qui nous coûta des peines extrêmes ; et enfin le jour de la Saint-Pierre je quittais de nouveau M. Féron.

« Les satellites étaient de tous côtés, gardaient toutes les routes ; les douanes étaient plus vigilantes que jamais, et les soldats de la capitale mettaient les barques en réquisition pour transporter les matériaux destinés à la construction du nouveau palais : tout autant de périls qu’il nous fallait éviter. J’étais caché au fond de mon petit navire, monté par onze chrétiens résolus, et nos craintes furent grandes pendant trois jours que nous naviguâmes à travers les îles qui bordent la côte ; mais Dieu vint à notre aide, et le sang-froid de notre pilote nous tira d’affaire.

« Enfin nous gagnâmes le large. J’avais apporté une petite boussole ; je donnai la route pour filer en pleine mer sur les