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c’était parbleu bien assez. Au fait cependant, on est très raisonnable en Irlande sur la politique : le sujet étant très sérieux, on trouve peu de division dans la société parmi les gens aisés, et comme tout le monde est supposé être du même avis, on ne vous fait pas de mauvaises querelles, parce que vous avez diné chez Pierre, où chez Paul. On y parle fort peu de ces troubles et certainement beaucoup moins que dans la grande Bretagne : à Newry même, ma lettre de recommandation était pour un homme qui avait été arrêté quelques temps avant, et avait été délivré sur caution : loin que l’on me sut mauvais gré d’avoir accepté un logement dans sa maison ; des personnes d’une opinion très différente me dirent, " c’est fort bien fait ; il faut tirer du diable ce qu’on peut. "

Je traversai cette châine étroite de montagnes qui se trouvent près de Newry, et j’apperçus avec peine que leurs habitans avaient beaucoup plus souffert que leurs voisins : je vis un grand nombre de maisons que l’on avait brulées, pour forcer le maitre à rendre ses armes. Le paysan se conduisait d’une maniere particuliere dans ces occasions ; il niait d’abord qu’il en eut aucune : on le menaçait de bruler sa maison, et on y méttait le feu sans qu’il parut ébranlé mais lorsqu’elle était brullée entièrement, son courage l’abandonnait et il est plusieurs fois arrivé, qu’il s’en allait alors fort tranquillement déterrer un fusil dans les bruyeres, qu’il remettait aux Magistrats : il semblerait qu’il eut beaucoup mieux valu le faire avant. Il n’y a pas de doute non plus, que bien des gens innocens, n’ayent soufferts sur la délation fausse de quelques frippons leurs ennemis : c’est fort malheureux, mais il est