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leurs maisons pour faire punir leurs ennemis. L’histoire suivante me parait incroyable. On m’a raconté qu’un paysan qui fut obligé par le Magistrat, de se raccomoder avec un autre, revint se plaindre le lendemain, accusant son adversaire de lui avoir dechiré l’oreille avec les dents : en l’embrassant, et tirant tout à coup son oreille de sa, poche il la montra au juge, qui comme on peut bien le penser, fut très choqué du fait ; sans plus d’information il envoya saisir l’homme et le fit mettre en prison. Celui-cy nia le fait et un chirurgien étant appellé, il fut prouvé que l’oreille avait été coupée avec un razoir et non dechirée avec les dents, et enfin que celui à qui elle appartenait, l’avait coupée lui-même, pour faire punir l’autre.

Ce pays, qui est certainement le plus beau de l’Irlande, est aussi celui où les habitans soient les moins traitables et ayent plus de rapport avec ce que les Anglais appellent wild Irish. L’animosité qui regne entre les différentes sectes, y a certainement contribué, mais s’ils n’avaient ce prétexte ils en trouveraient bientôt un autre. La véritable raison, c’est que la bonté du pays, y a attiré beaucoup d’etrangers qui s’y sont extrêmement multipliés et qui, à la longue, étant devenus trop nombreux pour pouvoir se partager le pays avec les anciens habitans, seraient bien aises de les expulser pour y rester seuls : les autres de leur côté, font le même raisonnement ; des querelles de voisins, qui ne seraient rien ailleurs, s’aigrissent par l’idée du tort qu’ils font. On prend parti, on se dispute, les coups de bâton roulent, et pour peu que les uns où les autres se voyent supportés, tout le mal qu’ils peuvent faire à leurs antagonistes, leur parait trés méritoire ; aussi