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votre frere Goora donne aujourdhui un régal à ses nobles, " j’aimerais bien mieux être là qu’ici ? " " Oh ! homme de peu de foi, repliqua le saint, pensez vous que je vous aye conduit ici pour vous faire mourir de faim," et sur le champ il se mit à prier avec plus d’ardeur que jamais. Tout à coup le moine fut charmé de voir un diner excéllent se mettre en ordre autour de lui.

Cependant le Roy Goora et ses nobles, après une partie de chasse où quelques batailles, revenant tres affamés au logis eurent la douleur de voir les plats de leur table s’envoler ! ils firent dans ce moment, ce qui parait fort raisonnable et ce que tout le monde ferait, si l’on voyait son diner s’en aller : le cuisinier avec la broche, les valets et les palfreniers, les chiens et les chats, laissant toute autre affaire, accompagnerent le Roy et toute sa cour, qui soit à pied soit à cheval, suivait à la piste et au grand galop les plats fugitifs.

Le diner arriva cependant un grand quart d’heure avant eux et le moine qui commençait à se refaire et à se délecter apperçut tout-à-coup avec effroy, cette foule qui venait lui ôter les morceaux de la bouche. Il fit de nouvelles plaintes au saint, disant qu’il eut encore mieux valu ne pas lui donner à manger que de le faire assommer et peutêtre dévorer par les gens affamés de la cour de Goora. " Oh ! homme de peu de foi, dit le saint, laissez les venir ! "

Ils vinrent en effet : lorsqu’ils furent à trente pas de la table, le saint les mit dans la situation la plus désagréable dans laquelle d’honnêtes gens puissent être : il fixa leurs pieds dans le roc et les obligea d’assister à la gogaille que le moine