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le beau frere, et le convoi marcha du côté de Muccruss. Je remarquai, que la bataille, aussi bien que l’explication qui s’en suivit, ne put arrêter les hurlemens des femmes, qui continuerent à se battre le sein, s’arracher les cheveux et crier hullulu comme si de rien n’était. Lorsque je vis le juge de paix s’élancer au milieu de la foule, j’avoue que j’imaginai que les combattans allaient le rosser d’importance ; comme étranger, n’ayant rien à faire là dedans, je montai sur un petit mur pour juger des coups plus à l’aise ; je fus bientôt désabusé : les paysans porterent le plus grand respect au magistrat et se soumirent très promptement à sa décision. C’était sans doute beaucoup mieux, et le magistrat avait fait son devoir, mais il me paraissait si drôle, de voir les gens se bâttre pour une femme morte, que je ne pus m’empêcher de regretter de voir l’affaire terminée de la sorte.

Je fus un jour sur le sommet de Mangerton, d’où l’on decouvre une très grand étendue de pays, quoiqu’il s’en faille beaucoup que cela approche de tous les royaumes de la terre ; la vue s’égare sur des montagnes arides, couvertes de petits lacs : celui de Killarney semble une jolie piece d’eau, au milieu de la quelle se replie en serpentant, la presqu’ile de Muccruss. Il y a un petit lac rond presque au sommet, qu’on appelle the devil’s punch bowl, où je bus à la santé du patron du lieu et à celle de ses enfans, c’est-à-dire, de la plus grande partie du genre humain, les jolies filles particulierement.

Comme cette ville est assez fréquentée en été, il y accourt des mendians de toutes parts : ils bâtissent de misérables huttes le long du chemin et importunent les passans :