Page:Latocnaye promenade dans l irlande.djvu/140

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mêmes à crier, à pleurer et à se déséspérer, jusqu’à ce qu’enfin les premieres s’étant remises et ayant avallé un grand verre de whisky, pour pouvoir crier et pleurer avec plus de courage, elles revinrent prendre leur place et les autres furent se reposer.

On appelle ces sortes d’assemblées wakes, et tout paysan qui meurt, est sur d’avoir jour et nuit jusqu’au moment de son enterrement, tous ses amis et ses connaissances dans sa chambre, criant, pleurant, chantant ses louanges en vers Irlandais impromptu et buvant à sa santé. C’est un usage assez couteux, mais dont le plus pauvre ne peut se dispenser avec décence ; c’était encore plus fort autrefois, car par les loix de Bréhon, un des rois Irlandais, la quantité de boisson et de viande était reglée suivant le rang de la personne morte, pour prévenir les excès et empêcher les familles de se ruiner, en tâchant de se surpasser les unes les autres. Ceci explique parfaitement la réponse de cette bonne femme qui venait de perdre son mari et à qui l’on reprochait de n’avoir pas envoyé chercher le Médecin. " Oh ! dit elle " j’ai crue que c’était déja beaucoup, pour une pauvre femme comme moi de faire les frais de son enterrement."

Dans le fait, je pense que la pauvre bonne femme avait bien raison ; le Médecin est pour le riche, une espèce de Moraliste qui l’engage à modérer ses passions et à réparer par la diette, les éxcès qui sont la cause de son mal ; mais pour le pauvre paysan qui n’a jamais fait d’excès dans sa vie et dont le meilleur reméde, serait peutêtre quelques alimens nourrissans, de quelle utilité pourraient lui être