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mélange singulier de bois et de plaines, elle s’allonge en replis tortueux dans un espace de près de deux milles.

Les ruines vénérables de l’Abbaye, inspirent un sentiment d’horreur religieuse que l’on se plaît à entretenir ; l’If qui est placé au milieu du cloitre le couvre entierement de ses branches et laisse à peine passer quelques rayons de lumiere, sur les tombes et les ossemens qui sont au pied. Les habitans sont persuadés que le mortel téméraire qui oserait le couper, où même le pèrcer périrait immanquablement dans l’année. Ils ont la dévotion la plus grande au saint du lieu et ils y viennent faire des pélerinages et des pénitences, qui, ici comme ailleurs en Irlande, consistent à faire le tour des bâtimens un certain nombre de fois, en récitant des prieres.

Ils enterrent aussi leurs morts dans cet endroit et les y apportent quelques fois, d’une distance prodigieuse ; ils ne les enterrent jamais qu’au sud et à l’est de l’Église. Le nord est communément réputé le côté du diable et l’ouest est réservé, pour }es enfants morts sans baptême, pour les soldats et pour les étrangers ; ils regardent comme une impiété scandaleuse de transporter les débris des cercueils ; il y a dans cette abbaye deux larges voutes qui en sont entièrement remplis : quant aux ossemens il les laissent épars ça et la, où la beche du fossoyeur les a placé, mais pour rien au monde ils ne voudraient les toucher. Dans un coin au dehors de l’Église, il y en a une pile hideuse jettés sans ordre. Quoiqu’à la réformation, les gens riches se soient partagés les dépouilles des Abbayes, ils n’ont dans aucun endroit, osé se permettre de déplacer le cimetierre ; c’est toujours autour des ruines