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pays, je n’étais pas Breton pour rien : j’étais déterminé à poursuivre avec persévérance le fameux projet et j’allais. . . .

Je me rendis à Dunmanaway par les montagnes, qui sont des plus sauvages ; je traversai d’abord un large marais, qui n’est formé dans cette belle vallée, que parce que la riviere qui le traverse n’a pas de lit. L’on voit de distance en distance de petites isles assez fertiles, qui prouvent que rien ne ferait plus aisé que de le déssécher entièrement. Si l’on jettait dessus quelques grenouilles hollandaises, ce ferait bientôt fait.

J’entendis d’abord des cris et bientôt j’apperçus une grande quantité de gens assemblés sur le chemin : je ne pouvais guères imaginer ce que ce pouvait être, mais étant plus près, je découvris que c’était un enterrement ; c’est une des premieres fois que j’aye été témoin de cet usage singulier ; les femmes crient en chorus les unes après les autres, hu lu lu, pleurent à chaudes larmes, s’arrachent les cheveux et se jettent dessus la bierre. On les croirait fort affligées, point du tout, elles croyent remplir un devoir et tout mort qui passe devant leur porte peut s’attendre à la même désolation ; lorsque ces bonnes femmes en ont fait assez, à ce qu’elles pensent, pour satisfaire les mânes du défunt, elle se retirent et sont aussi joyeuses qu’auparavant ; si un voisin où la plus légere connaissance, négligeait de paraitre à l’enterrement, sans donner de bonnes raisons pour son abscence cela ferait la cause de haines interminables dans la famille.