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ici quatre milles à faire avant d’arriver à l’autre bras de mer. Je m’enfonçai donc dans la vallée suivi de mon conducteur, qui avait pour son cheval une tendresse particulière ; dans un endroit un peu plat, je voulus trotter un peu pour me délasser ; mon homme sauta à la bride et m’arrêta tout court. Après l’avoir prié de me laisser aller, le voyant obstiné, je fus obligé de laisser tomber à plusieurs reprises ma bequille sur ses épaules ; mon homme alors lâcha la bride, mais il prit son cheval par la queue et l’empêcha d’aller absolument. Après un demi-mille de marche, il prétendit ne vouloir pas aller plus loin, quoi que nous ne fussions qu’à moitié chemin de la poste. Je le priai comme la première fois et très-poliment, de laisser la bride du cheval, et à la troisième fois, ma bequille fit encore son jeu ; il revint à la charge et la bequille d’aller. Le lecteur remarquera qu’en distribuant ces légères faveurs, je devais avoir une attention toute particulière : mon homme avait mon sac de provisions sur ses épaules, et un coup mal-adroit eût pu faire répandre le rum qu’il contenait et qui était ma seule consolation à la couchée. A la troisième fois pourtant, les voisins se mirent à rire et répétèrent après moi en gang, to, tre (une fois, deux, trois) ; cela déconcerta mon homme et il marcha.