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Manchester, où sans malencontre, mon bâton à la main, j’arrivai modestement le second jour. Comme il se trouvait être un dimanche, bien instruit par la leçon que j’avais reçue à Bath, j’eus la précaution, avant d’entrer dans la ville, d’ôter la poussière de mes bottes, et de mettre de la poudre sur mes cheveux, de sorte que personne ne parut me remarquer ; quand il est si aisé de contenter les gens, on aurait tort de ne le pas faire.

Je fus ici parfaitement reçu par Messieurs Rawlinson et Alberti ; bon dîner, bon vin, bonne figure d’hôte, et le concert après. Les gens de ce pays, malgré toutes leurs honnêtetés, sont d’une jalousie ridicule au sujet de leurs manufactures de velours de coton qui sont en très-grand nombre ; ils m’ont laissé voir le roussis du coton, et la manière dont on coupe les rayes dans le velours, mais non la machine qui fabrique le tissu. J’ai eu beau les assurer en avoir vu une à Nantes qui filait, jusqu’à quatre-vingts brins, ils n’ont jamais voulu y consentir, et m’ont seulement dit que la leur allait jusqu’à deux cents, ce qui dans le fait demande plus de force que celle de Nantes, mais doit être parfaitement la même chose. Quoi qu’il en soit, on ne peut nier qu’ils ne fassent le velours d’une manière plus parfaite que par toute l’Europe. Le mystère dont ils couvrent la fabrique a quelque chose de bien extraordinaire, quand on songe que la plupart