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bizarre, et sous le prétexte de sa folie, avait le privilége de dire tout ce qui lui passait par la tête ; sans que qui ce fût, pût le trouver mauvais. Shakespear a introduit ce fou dans presque toutes ses pièces, et je n’imagine pas qu’il y ait un autre auteur qui ait rassemblé dans ses ouvrages un si grand nombre d’idées singulières et risibles. On peut être choqué, de voir jouer au Fou un rôle dans la tragédie, tant qu’on le voudra, mais s’il faut que je le dise, je l’aime autant que tous les autres personnages for what says[1] ; Quinapalus ! better a witty fool, than a foolish wit. C’est peut-être par cette raison que les comédies de Shakespear qui sont généralement peu connues chez l’étranger, me paraissent dans leur genre, bien préférables à ses tragédies ; cette remarque ne m’empêche pas de rendre justice à la beauté et au sublime de certains passages détachés, dont la force, l’élégance et la clarté, se font toujours sentir avec délice.

Une autre raison de l’enthousiasme des Anglais, c’est que Shakespear a su prendre ses compatriotes par leur faible, en leur prodiguant les complimens dont ils s’encensent eux-mêmes continuellement, en traitant les Français assez lestement, et en chatouillant l’oreille de son auditoire,

  1. Car, comme dit Quinapalus, un fou spirituel vaut mieux qu’un homme d’esprit fou.
    Shakespear.
    (Je ne sais pas trop qui est ce Quinapalus.)