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Celle-ci le frappa : la hauteur du clocher
Sur-tout l’étonna fort ; celui de son village,
Qu’il avait jusqu’alors en admiration
N’était rien près cetui. Sans sa religion,
Sans doute il en aurait vu la construction ;
Mais tout considéré, mon homme crut plus sage
De ne pas s’exposer à la damnation.
Il n’osa donc entrer, et seul sous le portique,
Il regardait… sifflant pour apaiser sa faim,
Quand tout-à-coup son maître, admirant une attique
Vint s’offrir à sa vue. À peine est-il certain
Que c’est bien vraiment lui, qu’il court transporté d’aise,
Le saisit par le bras, et le serre, et le baise.
« Ah ! par Jésus, dit-il, c’est bien là du bonheur,
Des signors maintenant, peu m’importe l’humeur ;
Qu’ils rient si ça leur plaît, nous en ferons de même ».
« Sawney, lui dit le laird, quelles sont ces façons ?
Mais laisse donc mon bras oh ! comme il a l’air blême !
Qu’as-tu ? comment t’en va ? » « Le mieux que je pouvons,
Mais pas trop bien pourtant, répliqua le bon homme ;
Hier, comme savez, je sortis pour voir Rome,
Je me suis égaré, n’ai pu me retrouver ;
Sur une pierre enfin, il m’a fallu coucher.
Mais de nos maux hélas ! à quoi sert de se plaindre ? »
« Pauvre garçon, dit l’autre, où donc as-tu dîné ? »
« Sur mon ame cher laird, je n’ai dîné, ni déjeûné ; »
« Mais vous sot, repartit le maître chagriné,
» Vous aviez de l’argent, je vous en ai donné
» La veille, et le jour même ». « Ah ! ma foi sans rien feindre
Mon cher laird, j’en avais plus qu’il ne m’en fallait
Pour bien dîner, c’est vrai : mais ne vous en déplaise,
Dans notre accord commun, ne m’avez-vous pas dit,
Qu’à vos frais je vivrais, sans mon petit profit ? »