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au besoin, je le fis relâcher ; sur quoi le soldat me dit que je ne connaissais pas leurs usages, et que c’était la coutume de faire peur aux paysans.

Jamais l’habit blanc ne produisit plus d’effet en France, que le rouge dans ces montagnes. C’était un dimanche, et du plus loin que les filles revenant de l’église, nous apercevaient, elles s’enfuyaient, mais je crois, afin qu’on courût après : car on les atteignait toujours dans leurs maisons. Les pères, ou les frères, loin d’en être offensés, offraient du bainn (du lait) à messieurs les saighaidair (soldats). Étant de leur compagnie, il fallait bien prendre part à la fête, et en me retirant donner un gros baiser à la fille de la maison, au grand contentement de toute la famille. Dans le fait c’était une occasion unique, et je suis bien sûr que dans cinquante ans, elle n’en trouverait pas un autre d’être embrassée par un Français.

Quoique dans un pays si misérable, j’étais cependant étonné, de voir à ces paysans, au milieu de la fumée des tourbes, un air d’aisance que leur premier aspect était loin d’annoncer ; ils ne paraissaient pas le moins du monde surpris de me voir, quoique vraisemblablement je fusse le premier étranger qu’ils eussent jamais rencontré. On me dit au sujet de la fumée qui les étouffe, qu’ils sont intimement persuadés que c’est ce qui les tient chauds. On demandait à un bon paysan comment il trouvait Édimbourg ? il répondit qu’il ne