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parvinmes à l’autre bord, puis gravissant un autre devil’s stair-case (escalier du diable), nous arrivames au devil’s turn-pike (barrière ou tournebride du diable) : en vérité les gens de ce pays ont des noms bien adaptés à la chose, car c’est en effet le pays du diable.

Nous avançames dans le pays, traversant des rochers, des montagnes et des précipices ; nous apercevions à de grandes distances quelques huttes, et bientôt nous vimes quelques paysans sur la route ; ce qui m’étonnait, c’était de les voir s’enfuir à toutes jambes dans les bruyères, du plus loin qu’ils apercevaient les habits rouges de mon chirurgien et du soldat qui l’accompagnait. Je leur en demandai la raison, et ils me répondirent que les paysans craignaient d’être faits soldats par force ; là-dessus ils prirent l’air de vouloir courir après eux, cela fit redoubler la vîtesse des autres, et fit rire de tout leur cœur mes compagnons de voyage. Le soldat même fit une plaisanterie que je trouvai déplacée. Un jeune paysan ne s’étant point écarté de la route, passa au milieu de nous ; le soldat nous laissant aller devant, l’arrêta, et tirant un grand poignard, ou couteau des montagnes, menaça (en riant) de le tuer, s’il ne s’engageait. Le pauvre diable se mit à pleurer, et à crier. Entendant du bruit, je me retournai, et voyant de quoi il s’agissait, je m’en approchai et avec un ton de commandement qu’on sait retrouver