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diffèrent du leur. Ici, quoique j’eusse des culottes et un chapeau, et que je ne pusse dire un mot de gaelic, ils me virent passer sans rire, et sans paraître surpris de me voir : tandis qu’à Londres, un étranger dont les bottes ne seraient pas faites à la mode, ou qui aurait un chapeau à trois cornes avec une bourse, risquerait d’être couvert de boue s’il passait dans certains quartiers.

Ma tabatière m’ayant servi d’introduction auprès d’un paysan, qui, quoiqu’il n’entendît pas un mot d’anglais, paraissait comprendre mes gestes et y répondait de même ; je cheminai un ou deux milles avec lui, et j’appris un grand nombre de mots de sa langue par les choses que je lui désignais ; lui ayant montré le soleil, il me dit grian, la terre, talhman ; ayant tiré de ma poche quelques miettes de pain il l’appela arran ; et lui ayant fait sentir ma bouteille, qui était vide malheureusement, l’odeur le frappa, parut lui faire plaisir, et il prononça uisge-bea. Je lui fis entendre, là-dessus, que je désirais en avoir encore ; il me mena à une petite maison, où prononçant arran et uisge-bea, on me fit cuire sur-le-champ une cake sous la cendre, et on remplit ma bouteille, dont je donnai un grand verre à mon interlocuteur, qui parut enchanté de ma manière de faire, et me balbutia des remerciemens, auxquels je n’entendis pas un mot.