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La rage effroyable, et les révoltes soudaines et en apparence terribles, auxquelles le peuple de Londres se livre souvent, ne sont pas moins étonnantes pour l’observateur, que la facilité singulière avec laquelle elles s’apaisent tout-à-coup. J’en eus un exemple bien frappant à mon retour d’Écosse, en Janvier 1796. La fureur avec laquelle le roi fut accueilli par le peuple, en se rendant au parlement, me surprit étrangement. La foule entourait sa voiture en poussant des hurlemens effroyables, accompagnés de huées ; le retour fut pareil, et lorsque le roi quitta la voiture de parade au palais de Saint James, et monta dans un carrosse ordinaire, pour se rendre chez la reine, la populace le suivit et tirait par les jambes, les valets de pied qui étaient derrière ; heureusement que la garde, qui suivait le carrosse de parade, s’aperçut du mouvement et arriva bientôt pour dégager sa majesté. Le peuple alors se vengea sur le carrosse et en brisa les glaces avec des pierres.

Comme j’avais vu des tumultes à-peu-près semblables, les suites m’en semblaient effrayantes. J’étais alors avec un vieil officier anglais, qui dit : « Ce n’est rien, ils seront tout aussi tranquilles après qu’avant, c’est seulement pour faire connaître leur bon plaisir à sa majesté. » Effectivement il avait raison, dès que la nuit fut tombée chacun fut se coucher, et il n’y paraissait pas le lendemain.