empreinte d’un pessimisme originel. La tragédie
grecque est enveloppée de pessimisme ; c’est,
pourrait-on dire, son thème général de nous
montrer les calculs et les motifs que la sagesse
humaine a lieu de tenir pour les meilleurs et les
plus justes, déjoués, tournés en agents de ruine
par la cruauté, l’ironie ou l’indifférence de puissances
supérieures qui suivent d’autres lois
incalculables pour l’homme. « L’aveuglement de
l’homme, dit M. Maurice Croiset, croyant voir le
mal où est le bien et préparant sa propre perte
par les moyens mêmes qui lui paraissent assurer
son succès, voilà ce qu’on peut appeler
l’essence de la tragédie[1]. » Non seulement,
ajouterons-nous, de la tragédie grecque, mais
du tragique en général. C’est exactement la conception
que Gœthe s’en est faite. Nietzsche s’en
inspire en de très saisissantes analyses de l’Œdipe
et du Prométhée.
Cette philosophie pessimiste n’empêche pas Sophocle de se montrer fidèle observateur de
- ↑ Histoire de la littérature grecque, t. III, p. 27.