Nietzsche exclut nettement Wagner de la lignée
des Bach, des Beethoven, des Mozart, des Schumann,
créateurs successifs du domaine de la
musique, pour faire de lui l’exploiteur de toutes
les formes musicales du passé à la fois. Son
coup d’audace et sa nouveauté, ç’a été de les
adapter à un usage pour ainsi dire extra-musical,
de verser la musique, toute la musique,
comme un ingrédient, et le plus capiteux, dans
une sorte de philtre esthétique dont la qualité
n’émouvait pas ses scrupules, pourvu que la
foule contemporaine en fût enivrée. Par là il
scandalisa, dès son apparition, tous les musiciens
nourris dans une tradition dont on peut
dire qu’elle fut commune aux classiques et aux
romantiques : car si Schumann, Chopin ont
assoupli, nuancé, raffiné les formes constitutives
de la musique, ils ne les ont pas brisées.
Aucune piété n’accueille Wagner, le vrai musicien le considère comme un intrus, comme illégitime[1].
5. — Outre la torture infligée au langage {musi-
- ↑ T. X, p. 445.