jour viendra où, pour déconsidérer cette même
œuvre, il n’aura guère besoin de substituer d’autres
caractéristiques à celles qu’il en donne ici.
Seulement « la tension convulsive de tous les sentiments
» ne lui paraîtra plus un état admirable
ni divin. Comme ce peintre qui, par l’addition
d’un trait imperceptible, transformait un délicieux
sourire en affreuse grimace, à peine aurat-il
besoin de modifier l’expression des motifs
de son présent enthousiasme pour y fonder le
plus sévère jugement. Le « métaphysique » apparaîtra
alors le pathologique ; le ciel de l’extase
deviendra l’enfer de la névrose ; et cette impression
d’« infini » que laisse la musique de Tristan
sera imputée à l’artifice du compositeur
tirant de son impuissance même à créer des
formes belles, vigoureuses, définies, un équivoque
et vertigineux moyen de séduction.
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LES IDÉES DE NIETZSCHE SUR LA MUSIQUE