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LES IDÉES DE NIETZSCHE SUR LA MUSIQUE


« en un instrument de ses desseins, qui tendent à la suprême clarté du drame ».

Ce n’est pas là, poursuit Nietzsche, l’aspect le plus profond, ce n’est pas le véritable rapport des choses. La musique de Tristan semble, par l’effet même de l’enchantement apollinien, ne s’appliquer qu’aux amours et aux souffrances de Tristan et d’Yseult. En réalité elle exprime ce qu’exprime toute musique inspirée, une réalité infinie, grosse, pour ainsi dire, d’une infinité d’individus périssables dont les destinées ne sont par rapport à elle que d’éphémères et vaines efflorescences. « D’innombrables apparences pourraient passer devant la même musique, elles n’en épuiseraient jamais l’essence, elles n’en seraient toujours que des effigies extériorisées. C’est ce dont nous prenons conscience, quand, après avoir suivi le drame à la scène, dans le détail et l’enchaînement de ses péripéties, nous l’embrassons comme un tout, nous en recevons une impression d’ensemble. Alors la matière proprement dite du drame ne nous paraît plus