toute sa vertu s’épuiserait à créer un milieu émotionnel
sans rien dessiner de ferme et de précis,
en d’autres termes, qu’elle ne se suffirait pas à
elle-même, cette prétention l’est deux fois, si la
musique est essentiellement un art de construction.
Or, les compositions instrumentales de
Bach, de Beethoven, de Mozart sont œuvres aussi
lourdes de matière, d’assises aussi fortes, de profil
aussi précis, de formation aussi déterminée, de
même orientation vers la perfection et l’éternité
de la forme que les temples grecs ou les plus pures
cathédrales gothiques. Et les lois de la construction
musicale classique ne sont pas moins sévères,
n’engagent pas moins le calcul raisonné de
la proportion, de l’équilibre et du poids que les
lois de l’architecture. Mais Nietzsche était fasciné
par une œuvre de type contraire, aussi
adéquate que possible à la conception schopenhauérienne
de l’essence de la musique, œuvre
qu’on peut adorer ou haïr, mais dont tous ceux
qui en ont éprouvé l’action conviendront que le
caractère dominant est celui d’une indétermina-
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LES IDÉES DE NIETZSCHE SUR LA MUSIQUE