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PIERRE LASSERRE

avons à faire, ce n’est pas de répudier cette œuvre, mais de l’étudier, d’en retenir les leçons, de la continuer, d’en reprendre le fil. La jeunesse d’aujourd’hui a sur l’ensemble de ses aînés une supériorité de santé morale qu’elle manifeste héroïquement. Mais ceux-là la trompent de la manière la plus irritante qui s’essaient à envelopper la raison elle-même dans le discrédit justement mérité par des vacillations de cœur, dont la raison ne fut nullement responsable. On avertit instamment cette jeunesse que les plus généreuses impulsions de « la vie » ne sauraient suppléer au défaut de pensée et de critique, et que le plus sûr moyen de faire aboutir au néant les plus généreuses inspirations de son cœur, c’est d’entretenir et de couver en elle, fût-ce sous le beau prétexte doctrinal d’anti-intellectualisme, la méfiance et la peur de l’intelligence.

Ai-je fait une digression ? Un circuit tout au plus. La critique positiviste des tendances anarchistes manquait de mouvement ; elle faisait de la théorie plutôt que de l’offensive ; elle n’avait pas cette gaieté, cette allégresse de l’esprit qu’il faut, en France surtout, opposer à un ennemi qu’on veut vaincre. La critique libérale donnait à l’anarchisme le beau rôle, elle lui laissait le prestige