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À la vérité, il eut été injuste de le méconnaître : le parti progressiste, alors en conflit avec le gouvernement prussien, en affirmant son droit à consentir le budget, en s’opposant à la réorganisation militaire, avait remporté un avantage certain, bien que modeste, en faveur de la liberté politique.

Et cependant, les raisons suivantes empêchaient déjà d’accueillir cette prétention.

Tout d’abord, un parti aussi puissant et aussi indépendant, un parti qui poursuit des buts politiques nombreux et essentiels comme le parti ouvrier allemand ne peut dès le début adopter décemment une semblable attitude vis-à-vis d’un parti comme le parti progressiste prussien. Au point de vue des principes, ce dernier fait de la fidélité à la constitution prussienne son signe de ralliement. La lutte qu’il mène se borne à résister à une modification restreinte de l’organisation militaire — que dans d’autres pays allemands on n’a même pas tenté d’introduire, — à maintenir le droit pour la Chambre de consentir le budget — que dans d’autres États allemands on n’a même pas contesté.

En second lieu, rien n’assurait que le parti progressiste fît preuve de cette énergie et de cette dignité qui seules conviennent à la classe ouvrières, qui seules peuvent compter sur sa chaude sympathie, qui seules étaient susceptibles d’assurer le succès dans le conflit avec le gouvernement prussien.

Enfin rien n’assurait non plus qu’après avoir remporté la victoire sur le gouvernement, le parti progressiste eût exploité son avantage dans l’intérêt de la nation toute entière. Rien ne garantissait qu’il ne s’en serait pas servi pour maintenir la bourgeoisie dans sa