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travailleurs et vous les transformez, sur le papier toujours, en entrepreneurs !

Et le travailleur, narcotisé par cet abrutissement intellectuel, par les phrases nébuleuses avec lesquelles vous le troublez au point de lui faire perdre non seulement la raison, mais l’ouïe, la vue et le sentiment, le travailleur exalté vous crie : Bravo ! (Hoch ! ) quand vous lui dites que le travail social actuel est organisé de façon que chacun vend ses produits gagnés, que chacun est entrepreneur autonome !

Si cette affirmation est une fausseté qui empêche tout à fait de croire à votre bonne foi, et si l’on doit seulement admirer l’effronterie avec laquelle vous osez dire de telles choses devant une assemblée de travailleurs, elle prouve encore néanmoins, à un autre point de vue, une ignorance si colossale et si naïve du travail social actuel, de la forme et de la nature de l'exécution du travail déterminée par la société humaine, que c’est vraiment quelque chose de très-divertissant !

« Chacun donne les produits gagnés qu’il n’emploie pas pour lui-même en échange contre les produits des autres ! »

Monsieur Schulze ! juge de district ! n’avez-vous donc aucune conception de la forme réelle du travail social actuel ? N’avez-vous donc jamais quitté Bitterfeld et Delitsch ? Dans quel siècle du moyen âge vivez-vous donc avec votre manière de voir ?

Vous représentez le travail social d’aujourd’hui, comme si chacun acquérait avant tout, par son travail, les produits dont il a besoin lui-même et échangeait ensuite l’excédant de ces produits, dont il n'a plus besoin pour lui-même ![1].

  1. Cette exposition du procédé de la production actuelle ne