Page:Lassalle - Capital et travail.djvu/76

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette pensée, ce qui vous empêche d’en tirer les justes conséquences.

Ce n’est pas une vie d’hommes les uns à côté des autres, qui échangent simplement, entre eux, leurs produits industriels, comme vous aimez à vous le représenter et le répéter si souvent, monsieur Schulze, qui forme la société humaine et le travail social, mais c’est la production commune. Le travail social d’aujourd’hui l’emporte infiniment sur les activités autonomes des individus suivant les uns à côté des autres, et forme un enchaînement rigoureux, nécessitant le concours de beaucoup d’hommes à la production d’un seul et même produit. Chaque atelier de fabrique, monsieur Schulze, peut vous le prouver, rien que par son inspection matérielle.

Dans la plupart des autres productions, le phénomène se produit d’une façon plus déguisée, mais se produit de même.

Tandis qu’aujourd’hui déjà la grande production de la société moderne est une production commune, coopérative, — et c’est une des contradictions fondamentales de la société existante, la distribution (des produits fabriqués) n’est pas commune, mais individuelle ; c’est-à-dire que le produit passe non-seulement comme objet, mais aussi comme valeur à la propriété individuelle de l’entrepreneur qui le fait valoir à son profit unique, tandis que la totalité des travailleurs qui ont coopéré à la production sont traités en gens qui, comme vous le dites, n’ont pas eu le soin de se procurer, avant de commencer un travail dans le but d’acquisition, les matières premières, les instruments de travail et enfin les moyens de subsistance nécessaires pour eux et leurs compagnons, pendant la durée du travail. Ces travailleurs sont par conséquent exploités dans le régime du salariat qui