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mie politique, après une lecture attentive de votre livre, il devient clair pour tout connaisseur en économie politique (ce qui du reste résulte de la présente critique) que vous n’avez jamais lu, en fait d’économie politique, que le petit Abécédaire de Bastiat, et c’est tout au plus si vous avez encore feuilleté une traduction ; allemande de l’Abrégé de Say. Avec les idées embrouillées que vous avez prises de cet Abécédaire, sans aucune instruction préalable en général et sans aucune étude économique en particulier, et même en déparant et en défigurant souvent Bastiat, vous allez encore colporter parmi le peuple ce que vous avez mal lu, et vous appelez cela vos « leçons » !

Vous voyez que je suis tout à fait disposé à prendre en bonne part tout ce qui vous excuse par suite de votre ignorance, et cependant comme, monsieur Schulze, il est à peine possible d’admettre que réellement vous soyez de bonne foi quand vous parlez de la responsabilité des travailleurs dans nos conditions industrielles et quand, par l’invocation de ces mots vous enflammez les travailleurs en faveur de ces misérables conditions et voulez les détourner de l’idée d’établir un état de responsabilité et de liberté réelles, quiconque connaît ces conditions industrielles seulement extérieurement et de loin ; quiconque, aussi dépourvu d’idées qu’il fût, mais habite les grandes villes, fréquente la société des fabricants et des commerçants[1], doit absolument à la longue finir par avoir une idée de ce qu’est en réalité la responsabilité de nos travailleurs !

  1. Votre ami, le grand fabricant, conseiller de commerce et député progressiste, M. Léonor Reichenheim, connait au moins tout cela bien mieux ; il rit probablement sous cape de si bon cœur qu’il vous aime encore bien pour le « service » que vous rendez à sa digestion ! Il a écrit, en 1848, une brochure tout à fait socialiste sur les rapports des travailleurs (La question sociale et les moyens de la résoudre) dans laquelle il révèle une toute autre connaissance de ces choses ! À l’opposé de moi qui fait monter la moyenne du salaire de travail à l’entretien nécessaire usité chez le peuple, il déclare que les travailleurs, dans beaucoup de districts, sont dans une telle nécessité qu’ils peuvent à peine suffire à leurs besoins les plus pressants (page 9). Ramener les salaires dans les bornes de l’humanité — poursuit-il — est non seulement une nécessité, mais une obligation morale. Le principe admis souvent pour le salaire — dit-il (page 10) — n’est pas : Combien faut-il au travailleur pour pouvoir vivre humainement ? mais : De combien a-t-il besoin pour ne pas mourir de faim ? Il ne voit le moyen d’y remédier que dans une loi qui doit régler et établir le salaire ou le minimum du salaire !  ! Ce n’est qu’ainsi qu’on peut échapper à la misère et à la détresse qui s’offre à nous sous l’aspect le plus horrible dans les antres des travailleurs (car ce ne sont pas des logements) (page 11), etc., etc. Il est vrai que c’était en 1848 que le cœur de ce millionaire et député progressiste battait si chaleureusement pour le peuple.