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influence si faible et si passagère, les conjonctures défavorables au contraire retombent sur lui d’un poids bien autrement écrasant. La diminution immédiate du salaire, la réduction du travail, les chômages, sont les coups de massue dont les conjonctures défavorables et la surabondance des produits causée par l’avide concurrence des spéculateurs frappent les travailleurs.

Certainement, monsieur Schulze ! Et pourtant vous trouvez surprenante la sagesse de cette même concurrence qui vous fait considérer ce monde comme le meilleur des mondes possibles.

Permettez-moi de vous dépeindre la profonde sagesse de cette concurrence par des exemples qui ne viennent pas de moi, mais d’un chef de l’économie bourgeoise libérale (qui, d’ailleurs, diffère de vous en ce qu’il connaît au moins la situation qu’il décrit), par les paroles de l’économiste statisticien anglais, tant prôné parmi les économistes bourgeois, Mac Culloch[1].

« Au début des relations commerciales avec Buenos-Ayres, le Brésil et le Caraccas, il fut exporté, dans le courant de quelques semaines, plus de produits de Manchester que pendant les vingt années précédentes. La masse des marchandises anglaises arrivées à Rio-Janeiro était si grande qu’on manquait d’entrepôts pour les mettre à l’abri, et les objets les plus précieux étaient exposés pendant des semaines entières sur le rivage à l’intempérie et au vol. D’élégants vases de cristal poli furent offerts à des gens dont la vaisselle la plus précieuse consistait en une noix de coco : des outils y furent envoyés, comme si les habitants n’avaient qu’à casser

  1. Principle of polit. economy, ed. 2, pag. 329.