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passe par-dessus broyant et écrasant leurs actions, leurs aptitudes et leur travail. Le hasard joue à la balle et ce sont les hommes qui servent de balles dans ce jeu.

Peut-être comprendrez-vous, monsieur Schulze, en vous donnant sérieusement cette peine, que là où règne le hasard, la liberté de l’individu est annulée. Vous comprendrez que le hasard n’est rien autre que l’annulation de toute responsabilité de soi-même et de toute responsabilité morale, et en même temps de toute liberté.

Vous comprendrez en même temps que ceux qui veulent introduire des mesures dont le résultat doit être de limiter et d’annuler cette liberté du hasard et qui veulent en distribuer les effets, du moment où l’on ne peut les écarter et rendre ainsi insensible à tous le poids écrasant sous lequel étouffent les individus isolés, vous comprendrez peut-être que ceux qui veulent cela au nom de la solidarité, qui se laisse seulement méconnaître, mais ne se laisse pas supprimer, ne veulent pas annuler, mais établir la responsabilité et la liberté de l’individu ; qu’ils veulent lui donner l’espace et le sol nécessaires pour se manifester raisonnablement, tandis qu’à présent ces liberté et responsabilité sont écrasées et dévorées par les liens sociaux qui apparaissent comme force brute de la nature.

Les liens sociaux, monsieur Schulze, sont la vieille, très vieille chaîne orphique, dont les anciens orphiques disaient qu’elle lie et enchaîne tout ce qui existe d’une manière indissoluble. Et, chose remarquable, qui ne manque ni d’ironie ni d’un certain sens profond, cette vieille chaîne orphique porte encore aujourd’hui dans notre monde mercantile, chez nos commerçants et nos entrepreneurs, l’ancien nom orphico-stoïque ! Ce nœud des liens