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est par conséquent le domaine de la solidarité ou de la communauté.

L’action individuelle elle-même, le produit du libre arbitre dans le domaine juridique, ne reçoit sa sanction dans le domaine économique que par les liens sociaux. Ce sont eux qui en font ce qu’elle est, la triturent, en font leur produit et lui donnent leur caractère.

Comme dans les endroits cités vous égalisez si légèrement la responsabilité juridique et économique, et croyez avoir établi la dernière par les mêmes paroles qui justifient la première, pour commettre cette méprise il faut réellement, dans des choses tout à fait différentes et même opposées, n’avoir, pour parler comme Schelling, que l’instruction d’un barbier. L’analyse de votre thèse juridique, que vous donnez triomphant pour une thèse économique, serait suffisamment complète par ce qui précède.

Cependant, comme vous m’avez forcé d’effleurer en passant ce thème, laissez-moi lui consacrer encore quelques mots.

La communauté humaine, la solidarité se laisse méconnaitre, mais, monsieur Schulze, elle ne se laisse pas supprimer !

S’il existe des institutions sociales qui ne veulent pas reconnaître et régler cette solidarité, elle n’en existe pas moins, mais elle n’apparaît alors que comme une force brute de la nature qui se venge de ce qu’on l’ignore, comme un destin qui joue à la balle, avec la prétendue liberté de l’individu abandonné à ses propres forces. Les uns seront lancés très-haut dans la richesse par ce jeu de forces inconnues et par cela même non maîtrisées ; des centaines d’autres sont rejetés très-bas dans l’abîme de la misère, et la roue des liens sociaux