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et faire voir, en même temps, que toutes ces institutions sociales présentes n’influent pas du tout et ne changent en rien l’emploi raisonnable des forces que la nature a mises dans l’homme et la satisfaction des besoins humains qu’on atteint par l’emploi de ces mêmes forces, ou que respectivement ces forces augmentent pour tous les individus également, de manière que, par cette augmentation parallèle de leurs forces, et en vertu des institutions sociales, les individus sont entre eux dans le même rapport, dans la même situation uniquement dépendante de leur individualité, que s’ils vivaient dans cet état de nature créé pour l’abstraction.

Si vous aviez déduit, réellement ou du moins en apparence, de nos institutions sociales, cette preuve, alors seulement vous pourriez tirer du fait que l’homme atteint la satisfaction de ses besoins par l’emploi raisonnable des forces mises en lui par la nature une conclusion de laquelle résulterait ce qu’on pourrait nommer « devoir », en face des institutions sociales d’aujourd’hui.

Ou, d’un autre point de vue, celui qui parle des forces que la nature a mises dans l’homme ne comprend que l’homme pris comme individu isolé, ne parle exclusivement que de divers Robinson Crusoé dans leur île solitaire, car seulement les individus dans ces conditions, c’est-à-dire à l’état de nature, reçoivent leurs forces de la nature[1]. Mais les forces des hommes vivant en société dépendent des

  1. Et vous ne vous figurez, en effet, vous et M. Bastiat, dans les hommes de la société actuelle, que des Robinson Crusoé isolés, vivant dans l’état de nature, seulement avec le supplément infiniment grotesque et contradictoire de l’idée que ces sauvages, vivant dans l’état de nature, « échangent » entre eux leurs produits.